Le jardin du Palais-Royal

Labellisé « Jardin remarquable » par le Conseil national des parcs et jardins, le jardin du Palais-Royal l’est à plus d’un titre. par sa position au cœur de Paris, par son passé tant prestigieux que sulfureux, par son réveil d’un repos d’une Belle au bois dormant.

Le destin de ce jardin est inséparable de celui du palais dont il porte le nom : ce Palais-Royal qui s’appela d’abord « Palais-Cardinal » quand Richelieu le fit bâtir non loin du Louvre, en 1629. Le jardin réalisé à l’hiver 1635 par Pierre Desgots, jardinier du roi, sur les terrains acquis par Son Éminence, achève de faire de l’ensemble un des plus beaux ornements de Paris, aussitôt salué par Corneille : « Et l’univers entier ne peut rien voir d’égal / Aux superbes dehors du Palais-Cardinal. »

Le cardinal lègue à Louis XIII sa propriété qui prend dès lors son titre définitif de « Palais-Royal ». Louis XIV, qui a failli se noyer, enfant, dans un des bassins du jardin, cédera le palais à son frère Philippe d’Orléans. la famille d’Orléans le conservera, fera construire les ailes qui l’entourent, mariant ici avec brio le monde minéral et le monde végétal.

Plus fréquenté que fréquentable

On se presse alors sous les arcades, dans les allées de marronniers et autour des bassins de ce jardin qu’André Le Nôtre a encore embelli. Ouvert au public, il est interdit à la police. Avec ses maisons de jeu et ses filles légères, il devient vite ce que l’écrivain Paul de Musset désignera comme « l’endroit du monde où l’on peut le mieux dépenser en un jour sa jeunesse, sa santé et sa fortune ».

La légèreté qui y règne n’empêche pas de beaux esprits d’y méditer tandis que de grandes gueules y prépareront la Révolution : c’est dans le jardin du Palais-Royal que, le 12 juillet 1789, Camille Desmoulins, une feuille verte à son chapeau, lance le signal de l’insurrection qui conduira à la prise de la Bastille.

C’est aussi là que quatre ans plus tard, Charlotte Corday achètera la lame qu’elle plantera dans le cœur de Marat. Saint-Fargeau, « premier martyr de la Révolution », y a déjà trouvé la mort le matin de l’exécution de Louis XVI, pour l’avoir votée.

Le charme opère toujours

Depuis le départ du Monument à Victor Hugo de Rodin, la statue la plus connue du jardin est sans doute le Charmeur de serpents, sculpté dans le marbre par Adolphe Thabard en 1875. Depuis, le héros juvénile a malheureusement perdu ses deux mains et ses serpents, mais pas son sourire séducteur. À l’image d’un lieu de moins en moins « sauvage », les reptiles en question ont fait place à d’inoffensifs pigeons qui viennent se percher sur la tête et les genoux du Charmeur. Tout un symbole.

Ce même endroit fut jadis l’un des coins les plus animés et les plus dissipés de la capitale, est aujourd’hui un havre d’un calme provincial, propice à la rêverie, comme à cent lieurs de l’agitation parisienne. Il y a cinquante ans, il semblait au plus mal : « Feu le jardin du Palais-Royal », déclarait ainsi l’historien Claude Vallée en 1962. Mais désormais, ce noble jardin n’est plus la relique assoupie d’un passé brillant.

Un nouvel élan

La restauration opérée par le paysagiste américain Mark Rudkin en 1992 lui a redonné un nouvel élan tout en conservant l’esprit des lieux, celui des Siècles des lumières. De part et d’autre des jeux d’eau du grand bassin circulaire, les pelouses élégantes, les rangées de tilleuls et les camaïeux de couleurs des massifs s’harmonisent à merveille avec le sublime pourtour de pierre qui les couvre sur trois côtés.

Emblème de cette renaissance à l’aube du IIIe millénaire, la rose blanche aux cent pétales de la variété baptisée ‘Palais-Royal’ en 2004, allie justement en elle la pure beauté classique et une vigueur quasi révolutionnaire. Logique pour un rosier grimpant !